“Une industrie du film repose sur des professionnels et un environnement légal qui encourage la production” KARINE BARCLAIS, fondatrice de Pavillon Afriques

Pavillon Afriques est de retour cette année au Festival de Cannes qui se déroulera du 06 juillet au 15 juillet prochain. Karine Barclais, la fondatrice, a accepté d’en dire plus à Le Film Camerounais. INTERVIEW.

LFC : Bonjour Karine Barclais. Vous êtes la fondatrice de Pavillon Afriques. Qu’est-ce que Pavillon Afriques ?

K.B (Karine Barclais) : Pour définir Pavillon Afriques, je reprendrai les mots de nombreux participants à l’édition inaugurale au Festival de Cannes en 2019 : c’est la Maison de l’Afrique à Cannes. Une maison où l’Afrique et sa diaspora accueillent le reste du monde pour faire découvrir la richesse de leur cinéma et de leurs territoires. C’est aussi un lieu où on apprend, où on crée son réseau, où on fait des affaires. Au-delà de Cannes, nous créons toute l’année des événements en présentiel ou en ligne dans le but de créer des opportunités. Par exemple, en octobre 2019, Pavillon Afriques a organisé une délégation pour répondre à une invitation d’un festival à Hollywood.   

LFC : Qu’est-ce qui se passe à Pavillon Afriques ? Comment est-ce organisé ? Quelles sont les activités, etc. ?


K.B : Concrètement, les participants ont accès à des formations, des masterclasses, des tables-rondes sur des sujets en lien direct avec leur activité. Les intervenants sont tous des professionnels reconnus dans leur domaine. Nous privilégions aussi des moments de convivialité parce que c’est le lieu idéal pour créer des relations susceptibles de générer des affaires. Mais cela ne peut se faire que sur la durée, c’est pour cela que nous rappelons l’importance de participer à ce rendez-vous régulier qu’est le Festival de Cannes.

LFC : Je vois que des pays sont aussi présents officiellement. Pourquoi ?

K.B : Une industrie du film digne de ce nom repose sur des professionnels du film et sur un environnement légal qui encourage la production. C’est pour répondre à cet aspect des choses que nous invitons des pays qui comprennent l’importance de la mise en place d’une législation qui va participer à la promotion de leur industrie. Les pays peuvent aussi faire ce que nous appelons des « présentations pays », i.e. montrer leurs atouts pour inciter des producteurs étrangers à venir tourner sur leur sol. Parce qu’on sait ce que rapportent les tournages sur un territoire en termes de PIB et de valorisation globale. Cette année, l’Ouganda, l’Afrique du Sud et Mayotte mettront en avant leurs pays comme territoires de tournage.

LFC: Quelles ont été les retombées de Pavillon Afriques au Festival de Cannes après l’édition 2019 ?


Nous avions un programme très chargé pour 2020, avec des invitations à l’international mais il a été chamboulé par la pandémie. Nous en avons profité pour créer une école de cinéma en ligne, Arts & Business Center (www.artsbusinesscenter.com), agrandir notre propre réseau pour en faire bénéficier Pavillon Afriques. Plus concrètement, un des films présentés à des acheteurs pendant la 1ère édition, 2 Weeks in Lagos, sera bientôt sur Netflix. Quelques films ont aussi été achetés par notre entremise. J’ai aussi créé il y a deux mois une société de distribution aux USA, Bonsai Media. C’est un travail de fourmi que nous accomplissons tous les jours pour attirer vers nous les bons profils qui seront parties prenantes de notre vision et de notre mission.

LFC : Pavillon Afriques sera de retour au Festival de Cannes cette année du 6 au 15 juillet. Qu’est-ce qui est prévu, y aura-t-il des nouveautés ?


Nous aurons une édition virtuelle cette année, avec une magnifique cérémonie d’ouverture à l’Unesco. Nous avons conçu un programme qui répond à la demande des professionnels du cinéma avec qui j’échange tout le long de l’année. Ce qui les préoccupe le plus, c’est trouver des fonds pour financer leurs films puis les vendre. Donc nos nouveautés sont des solutions à ces soucis : Un forum sur la co-production qui va s’étaler sur 5 jours (4 jours en français et 1 jour en anglais) pour approfondir le sujet afin de donner les clés d’une co-production réussie aux producteurs et cinéastes. Une session de pitch de projets devant un parterre d’investisseurs et de coproducteurs internationaux. Des projections de films pour des acheteurs professionnels

LFC : Aujourd’hui, il y a de plus en plus de films africains sur les plateformes telles que Netflix. Comment expliquer une telle dynamique et que vous inspire-t-elle ?

K.B : C’est formidable que de nouveaux marchés s’ouvrent pour les films africains ! C’est une opportunité à saisir mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Il reste un travail de fond à accomplir pour que les films africains passent sur toutes les chaînes et plateformes et dans toutes les salles quand la qualité est là, et que les tarifs pratiqués soient similaires aux autres.

LFC : Pour la première fois, des films camerounais (The FisherMan’s Diary, Therapy, A Man for the Weekend et Broken), ont récemment été diffusés sur Netflix, justement. Que pensez-vous du Cinéma Camerounais ?


C’est toujours une bonne nouvelle quand des films venus d’Afrique peuvent être appréciés par le plus grand nombre grâce à ces nouvelles plateformes. Cela montre que la qualité technique s’améliore et qu’un marché existe. C’est un beau strike pour le Cameroun qui va certainement ouvrir la porte à d’autres producteurs.

LFC : On constate aussi que des chaînes de télévision telles que A+ Afrique et Youtube participent de plus en plus à l’internationalisation de certaines productions africaines. Nous pensons notamment aux productions nigérianes, sénégalaises, sud-africaines, et ivoiriennes, tandis que d’autres ont plus de mal à réellement exploiter ces canaux. Comment expliquez-vous cela ?


K.B : Il y a des créatifs qui s’occupent de faire leurs films et qui après les laissent en jachère s’ils ne trouvent pas rapidement des débouchés ; et il y a ceux qui sont dans le business du film et qui savent où chercher. Rechercher des financements ou des acheteurs demande rigueur et persévérance. A chacun son métier !  Plus il y a de vrais producteurs qui connaissent leur métier, plus il y a de chances qu’un film ait une vie après le tournage. Il faut aussi être bien entouré pour que votre film ne se retrouve pas dans un placard à cause d’un contrat mal ficelé.

LFC : Avec l’avènement des plateformes en ligne et Youtube, on serait tenté de se demander à quoi bon encore passer par des Festivals ?

Encore faudrait-il avoir accès aux plateformes et pouvoir monétiser son film sur Youtube. C’est vrai qu’il y a des success stories qui ne constituent qu’une part infime des œuvres créées chaque année. Combien de films restent très confidentiels, vus par une poignée d’amis ou de fans ? Les festivals servent à se faire connaître des autres professionnels, de montrer son travail, de créer un réseau qui va permettre de monétiser ses œuvres. C’est un écosystème complet et complexe dont on ne peut pas faire l’économie. 

LFC : Un dernier mot pour la fin ?

K.B : Pavillon Afriques est un outil dont j’invite les professionnels du cinéma à se servir sans modération. Pour cette édition virtuelle, ils auront à disposition un programme très riche, gratuitement. Je les invite à continuer à s’inscrire massivement ici : https://bit.ly/programmePA

N.M

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