Du 31 Août u 02 septembre dernier, le Ministère des Arts et de la Culture a pris une initiative très intéressante : réunir les acteurs du milieu du Cinéma local, afin de recueillir toutes leurs propositions qui relanceraient l’industrie du 7ème Art Camerounais.
Les intervenants étaient de choix pour ce premier atelier : Bassek Ba Kobhio, Jean-Pierre Bekolo, Waa Nken Musi, Gérard Nguélé, Rémi Atangana ainsi que le Représentant de la Cameroon Film Industry (CFI). Chacun à son tour a partagé non pas uniquement ses réflexions, mais surtout des propositions concrètes, précises avec une faisabilité à court et moyen terme pour la renaissance du Cinéma au Cameroun.
Peu après l’introduction des différents officiels, l’incontournable Bassek Ba Kobhio alias BBK a été le premier à prendre la parole, partageant avec les autres participants sa vision quant à l’essor d’un nouvel imaginaire du Cinéma Camerounais. À ce propos, BBK est clair : le monde dans lequel les films nous renvoient désormais sont ce nouvel imaginaire ! Le Cinéaste poursuit en évoquant en ce qui le concerne l’existence de 5 catégories de films :
1 – Le rendu du vécu dans lequel il classe les films “Pousse-Pousse” de Daniel Kamwa, “Muna Moto” de Dikonguè Pipa et “W.A.K.A” de Françoise Ellong.
2 – Le monde du fantastique auquel le Cinéaste Alfonse Béni est tout de suite associé.
3 – Le Socio-politique, dans lequel seraient rangés Jean-Marie Téno, Jean-Pierre Bekolo ainsi que BBK lui-même.
4 – L’onirique qui ici concernerait exclusivement Jean-Pierre Bekolo.
5 – Le choix du public enfin, qui rassemblerait pour la majeur partie les Cinéastes de la zone anglophone comme Nkanya Nkwai, Agbor Gilbert, Victor Viyuoh et Christa Eka Assam mais cette dernière étant dissociée des autres car dans un genre totalement cinématographique.
Aussi, BBK parle de l’importance d’un financement du Cinéma par le Cinéma et pour revenir à l’imaginaire, dit avec conviction :
“Il n’est pas possible que l’on décrète que des Artistes recherchent un imaginaire : je n’y crois pas. (…) Nous n’en sommes plus à l’époque où nous faisions des films que nous voulions faire. (…) L’imaginaire aujourd’hui s’impose à nous. (…) C’est la consommation qui désormais commande.”

Le Cinéaste Jean-Pierre Bekolo lui s’est posé une véritable question : comment réinventer le Cinéma ? A-t-on un business modèle pour notre Cinéma ? Le réalisateur du très populaire “Quartier Mozart” a la conviction qu’en plus de l’aspect économique, il est important que cette industrie ait une réelle mission. Pour illustrer son propos, il a pris l’exemple de la série “Plus Belle La Vie” qui a permis à des jeunes d’émerger à toutes les étapes de production grâce à la présence de techniciens et acteurs expérimentés qui ont servi de guide aux nouveaux arrivants. Il a également donné un autre exemple plus localement, à savoir une série qui serait réalisée par BBK entouré de jeunes Cinéastes.
Jean-Pierre Bekolo a également insisté de l’importance d’être structuré. Il a proposé la création d’une database géante de toutes les productions locales, afin qu’elles soient conservées ad vitam aeternam et disponibles dès que le besoin se ferait ressentir. La jeunesse est aussi ressortie des propos du Cinéaste, qui a rappelé le pourcentage de plus en plus croissant des jeunes au Cameroun, qui deviennent ainsi une véritable cible. Mais il questionne aussi la place qui leur serait dans ce cas attribuée dans certaines décisions, certains choix : qui laisserait “les enfants” décider ?
“Un Cinéaste aujourd’hui est un débrouillard , comme le call box ou le bend skin. (…) I’ve never see an industry without a factory. (…) What people become is what has been given to them”.
Gérard Désiré Nguélé, Rémi Atangana et Musi Waa Nken ont été trois intervenants très concrets dans leurs propos et propositions pour une relance du Cinéma Camerounais. Gérard a évoqué de manière très précise quels seraient les modalités de soutien aux productions axées sur la qualité davantage que la quantité, qui s’appuierait sur une typologie de projets à soutenir. Il a insisté sur la nécessité d’avoir une production abondante et qualitative, diversifiée et enfin structurée. En ce qui le concerne, la relance se fera grâce aux courts-métrages qui sont une véritable école, aux longs-métrages qui déterminent l’offre du marché et aux documentaires qui sont l’expression même d’une identité nationale : l’éducation des populations.

Rémi Atangana a cité les trois mécanismes de financement du Cinéma à savoir Public, Institutionnel et Privé, regrettant qu’aucun ne soit pour l’instant appliqué ni possible au Cameroun. Pourtant, la taxe audiovisuelle, le compte d’affectation, l’aide publique et le mécénat existent bel et bien sans être pour le moment accessible au Cinéma.

Musi Waa Nken est celui qui aura fait durant cet atelier, l’exposé le plus complet au sujet de la promotion, la distribution et l’exploitation d’une oeuvre cinématographique. Il a mis l’accent sur les démarches promotionnelles que devraient effectuer chaque porteur de projet auprès de son futur public, a cité les différentes possibilités qu’ont les films d’atteindre leurs spectateurs, a rappelé ce qu’est concrètement le métier de distributeur, qui est à ce jour très éloigné de la vision qu’en ont la plupart des Cinéastes.
Les participants ont été chaleureusement accueillis au “Carlos Hotel”, tenu par Gelam Dickson, véritable passionné de culture qui a mis tout en oeuvre pour que les Cinéastes soient traités comme il se doit. Chez Le Film Camerounais, nous avons été particulièrement marqué par son extrême gentillesse, son écoute et toutes les pierres à l’édifice qu’il apporte ou est prêt à apporter au Cinéma local.