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REVIEW : “L’ACCORD”, une oeuvre émouvante d’authenticité

“L’ACCORD” est indéniablement le film événement de ce début/milieu d’année 2022, une oeuvre signée par le réalisateur et scénariste qu’on ne présente plus Lea Malle Frank Thierry, qui livre ici un second long-métrage qui assoit définitivement la patte qui est la sienne. REVIEW.

Lea Malle Frank Thierry, c’est d’abord une plume. Toutes ses oeuvres de son court-métrage “MES VAMPIRES” à son deuxième long-métrage aujourd’hui “L’ACCORD”, mettent l’histoire au centre de tout. Pour le confirmer, il n’y a qu’à voir son palmarès aux LFC AWARDS, où le Cinéaste a déjà remporté trois fois le LFC Award tant convoité du Meilleur Scénario. Avec ce nouveau film, Lea nous prouve ce que l’on savait tous déjà : il est un excellent scénariste !

Mais la véritable force de Lea Malle Frank Thierry, réside dans l’authenticité à la fois touchante et bouleversante qu’il parvient à mettre systématiquement dans chacune de ses oeuvres. Lea Malle est Camerounais, Lea Malle est Africain et tellement fier de l’être que c’est contagieux. Ses films respirent l’amour pour son pays et pour son continent. A la Rédaction, nous sommes particulièrement sensible à cette approche qui manque à beaucoup de films que nous découvrons chaque jour, mais que nous retrouvons sans cesse lorsque c’est Lea Malle derrière la caméra. On s’identifie. On est fier d’arriver à reconnaitre nos rues, nos quartiers, notre identité et notre diversité culturelle. Les oeuvres de Lea Malle nous re connectent avec qui nous sommes, sans échappatoire aucun et ça fait un bien que nous aurons peine à décrire avec des mots.

“L’ACCORD”, c’est une histoire de famille, une histoire d’amour à l’africaine avec tout ce que cela implique de bons comme de mauvais. La place du père, les combats d’une mère, mais aussi le passage à l’âge adulte d’une jeunesse fragilisée par son environnement et par ses inégalités sociales. La politique n’est jamais loin et quand tous ces éléments se retrouvent dans un même film, on sait déjà qu’on va passer un bon moment de Cinéma. La cerise sur le gâteau, un casting frais, précis où des perles se révèlent, où chaque acteur ou actrice a quelque chose de solide à défendre à l’écran.

Vanessa Ambassa et Jakin Touwole nous touchent par la justesse de leur jeu tout en sobriété, tout en finesse. Ils nous convaincs sans grands efforts et incarnent ensemble le point de départ d’une rencontre entre deux familles que tout oppose mais que l’amour de leurs enfants va réunir. Mais tout ne se passe pas comme l’on aimerait, évidemment. L’évolution de leurs deux personnages est néanmoins négligée au profit de secondaires qui en deviendraient presque des principaux. Si l’effet était voulu, il aurait gagné à avoir une écriture plus précise encore, plus assumée.

COUP DE COEUR. Oui, dans “L’ACCORD” elle ne pourra pas vous échapper, vous laisser indifférent, vous faire douter de sa place dans ce casting intelligent. Thérèse Ngono. L’actrice est au sommet de son art, au sommet de son savoir-faire. Presque passée aux oubliettes, effacée par une vague d’actrices qui savent se “vendre” et se mettre en valeur à coups de shooting photos où elles n’ont jamais deux jours de suite la même tête, Thérèse Ngono rappelle une chose : une actrice, c’est d’abord le jeu. Et elle JOUE, massah ! Vraie de bout en bout. Authentique de la première à la dernière réplique. Thérèse n’a pas besoin de larmes pour nous toucher. Sa présence suffit. Et à chaque fois qu’elle n’est plus à l’écran, on attend avec impatience sa prochaine séquence. Toute la Rédac’ se réuni avec émotion lui dire un MERCI infini. Le chemin du Cinéma au Cameroun devient moins long face à de telles performances. Nous avons de grandes actrices, nous avons Thérèse Ngono.

Parrain de la dernière édition des LFC AWARDS, la présence de l’immense Ebenezer Kepombia dans “L’ACCORD” est rassurante et donne une aura particulière à l’oeuvre. Une participation que l’on voit tout de suite comme le soutien d’un aîné à son cadet. Comme le respect d’un cadet pour son aîné. Ca fonctionne. Sans effort, aucun. Courez voir “L’ACCORD” au Cinéma, au Cameroun et/ou en Côte d’Ivoire où le film est à l’affiche des salles MAJESTIC. Et surtout n’y allez pas seul, car “L’ACCORD” est définitivement une oeuvre qui se partage.

“Une industrie du film repose sur des professionnels et un environnement légal qui encourage la production” KARINE BARCLAIS, fondatrice de Pavillon Afriques

Pavillon Afriques est de retour cette année au Festival de Cannes qui se déroulera du 06 juillet au 15 juillet prochain. Karine Barclais, la fondatrice, a accepté d’en dire plus à Le Film Camerounais. INTERVIEW.

LFC : Bonjour Karine Barclais. Vous êtes la fondatrice de Pavillon Afriques. Qu’est-ce que Pavillon Afriques ?

K.B (Karine Barclais) : Pour définir Pavillon Afriques, je reprendrai les mots de nombreux participants à l’édition inaugurale au Festival de Cannes en 2019 : c’est la Maison de l’Afrique à Cannes. Une maison où l’Afrique et sa diaspora accueillent le reste du monde pour faire découvrir la richesse de leur cinéma et de leurs territoires. C’est aussi un lieu où on apprend, où on crée son réseau, où on fait des affaires. Au-delà de Cannes, nous créons toute l’année des événements en présentiel ou en ligne dans le but de créer des opportunités. Par exemple, en octobre 2019, Pavillon Afriques a organisé une délégation pour répondre à une invitation d’un festival à Hollywood.   

LFC : Qu’est-ce qui se passe à Pavillon Afriques ? Comment est-ce organisé ? Quelles sont les activités, etc. ?


K.B : Concrètement, les participants ont accès à des formations, des masterclasses, des tables-rondes sur des sujets en lien direct avec leur activité. Les intervenants sont tous des professionnels reconnus dans leur domaine. Nous privilégions aussi des moments de convivialité parce que c’est le lieu idéal pour créer des relations susceptibles de générer des affaires. Mais cela ne peut se faire que sur la durée, c’est pour cela que nous rappelons l’importance de participer à ce rendez-vous régulier qu’est le Festival de Cannes.

LFC : Je vois que des pays sont aussi présents officiellement. Pourquoi ?

K.B : Une industrie du film digne de ce nom repose sur des professionnels du film et sur un environnement légal qui encourage la production. C’est pour répondre à cet aspect des choses que nous invitons des pays qui comprennent l’importance de la mise en place d’une législation qui va participer à la promotion de leur industrie. Les pays peuvent aussi faire ce que nous appelons des « présentations pays », i.e. montrer leurs atouts pour inciter des producteurs étrangers à venir tourner sur leur sol. Parce qu’on sait ce que rapportent les tournages sur un territoire en termes de PIB et de valorisation globale. Cette année, l’Ouganda, l’Afrique du Sud et Mayotte mettront en avant leurs pays comme territoires de tournage.

LFC: Quelles ont été les retombées de Pavillon Afriques au Festival de Cannes après l’édition 2019 ?


Nous avions un programme très chargé pour 2020, avec des invitations à l’international mais il a été chamboulé par la pandémie. Nous en avons profité pour créer une école de cinéma en ligne, Arts & Business Center (www.artsbusinesscenter.com), agrandir notre propre réseau pour en faire bénéficier Pavillon Afriques. Plus concrètement, un des films présentés à des acheteurs pendant la 1ère édition, 2 Weeks in Lagos, sera bientôt sur Netflix. Quelques films ont aussi été achetés par notre entremise. J’ai aussi créé il y a deux mois une société de distribution aux USA, Bonsai Media. C’est un travail de fourmi que nous accomplissons tous les jours pour attirer vers nous les bons profils qui seront parties prenantes de notre vision et de notre mission.

LFC : Pavillon Afriques sera de retour au Festival de Cannes cette année du 6 au 15 juillet. Qu’est-ce qui est prévu, y aura-t-il des nouveautés ?


Nous aurons une édition virtuelle cette année, avec une magnifique cérémonie d’ouverture à l’Unesco. Nous avons conçu un programme qui répond à la demande des professionnels du cinéma avec qui j’échange tout le long de l’année. Ce qui les préoccupe le plus, c’est trouver des fonds pour financer leurs films puis les vendre. Donc nos nouveautés sont des solutions à ces soucis : Un forum sur la co-production qui va s’étaler sur 5 jours (4 jours en français et 1 jour en anglais) pour approfondir le sujet afin de donner les clés d’une co-production réussie aux producteurs et cinéastes. Une session de pitch de projets devant un parterre d’investisseurs et de coproducteurs internationaux. Des projections de films pour des acheteurs professionnels

LFC : Aujourd’hui, il y a de plus en plus de films africains sur les plateformes telles que Netflix. Comment expliquer une telle dynamique et que vous inspire-t-elle ?

K.B : C’est formidable que de nouveaux marchés s’ouvrent pour les films africains ! C’est une opportunité à saisir mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Il reste un travail de fond à accomplir pour que les films africains passent sur toutes les chaînes et plateformes et dans toutes les salles quand la qualité est là, et que les tarifs pratiqués soient similaires aux autres.

LFC : Pour la première fois, des films camerounais (The FisherMan’s Diary, Therapy, A Man for the Weekend et Broken), ont récemment été diffusés sur Netflix, justement. Que pensez-vous du Cinéma Camerounais ?


C’est toujours une bonne nouvelle quand des films venus d’Afrique peuvent être appréciés par le plus grand nombre grâce à ces nouvelles plateformes. Cela montre que la qualité technique s’améliore et qu’un marché existe. C’est un beau strike pour le Cameroun qui va certainement ouvrir la porte à d’autres producteurs.

LFC : On constate aussi que des chaînes de télévision telles que A+ Afrique et Youtube participent de plus en plus à l’internationalisation de certaines productions africaines. Nous pensons notamment aux productions nigérianes, sénégalaises, sud-africaines, et ivoiriennes, tandis que d’autres ont plus de mal à réellement exploiter ces canaux. Comment expliquez-vous cela ?


K.B : Il y a des créatifs qui s’occupent de faire leurs films et qui après les laissent en jachère s’ils ne trouvent pas rapidement des débouchés ; et il y a ceux qui sont dans le business du film et qui savent où chercher. Rechercher des financements ou des acheteurs demande rigueur et persévérance. A chacun son métier !  Plus il y a de vrais producteurs qui connaissent leur métier, plus il y a de chances qu’un film ait une vie après le tournage. Il faut aussi être bien entouré pour que votre film ne se retrouve pas dans un placard à cause d’un contrat mal ficelé.

LFC : Avec l’avènement des plateformes en ligne et Youtube, on serait tenté de se demander à quoi bon encore passer par des Festivals ?

Encore faudrait-il avoir accès aux plateformes et pouvoir monétiser son film sur Youtube. C’est vrai qu’il y a des success stories qui ne constituent qu’une part infime des œuvres créées chaque année. Combien de films restent très confidentiels, vus par une poignée d’amis ou de fans ? Les festivals servent à se faire connaître des autres professionnels, de montrer son travail, de créer un réseau qui va permettre de monétiser ses œuvres. C’est un écosystème complet et complexe dont on ne peut pas faire l’économie. 

LFC : Un dernier mot pour la fin ?

K.B : Pavillon Afriques est un outil dont j’invite les professionnels du cinéma à se servir sans modération. Pour cette édition virtuelle, ils auront à disposition un programme très riche, gratuitement. Je les invite à continuer à s’inscrire massivement ici : https://bit.ly/programmePA

N.M